Nutrition Rive-Sud Oana Chitulescu diététiste-nutritionniste
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Les troubles du comportement alimentaire (TCA) chez les personnes autistes

par Oana Chitulescu, le 4 mai 2023

L’anorexie nerveuse et l’ARFID sont les troubles du comportement alimentaires (TCA) les plus investiguées dans la littérature scientifique en lien avec le spectre de l’autisme. Les problèmes reliés à l’alimentation (tels que la sélectivité alimentaire ou la néophobie) sont plus présentes chez les autistes et pourraient augmenter leur risque de développer un trouble du comportement alimentaire. Entre 43.6% et 96% des enfants autistes auraient des problèmes reliés à l’alimentation, cinq fois plus que les enfants neurotypiques. Les hypersensiblités sensorielles et la rigidité sont souvent à l’origine de ces problèmes. Or, il est bien connu que les enfants autistes ont souvent des hypersensibilités sensorielles. À l’âge adulte, jusqu’à 90% ont toujours des difficultés sensorielles. De plus, les femmes autistes semblent présenter plus d’hypersensibilités que les hommes, ce qui les mettrait plus à risque de développer des comportements alimentaires problématiques.

L’anorexie nerveuse et le spectre de l’autisme ont des caractéristiques communes. Il est donc difficile de distinguer les traits appartenant à l’anorexie nerveuse de celles appartenant à l’autisme, d’autant plus que les personnes en phase aigüe de l’anorexie nerveuse peuvent présenter des comportements s’apparentant au spectre de l’autisme. On estime que 23% des personnes présentant un TCA présentent aussi des traits autistiques. Cette statistique est difficile à interpréter toutefois car certains chercheurs prennent en compte l’auto-diagnostique du spectre de l’autisme ou l’information rapportée par les parents, sans diagnostique officiel. De plus, l’anorexie nerveuse affecte plus souvent les femmes et ces dernières sont moins susceptibles à être diagnostiquées autistes. On soupçonne également que la durée de la maladie serait plus longue chez les personnes autistes et qu’elles nécessiteraient plus de soins, d’où l’importance de personnaliser le traitement chez ces dernières.

Contrairement à l’anorexie nerveuse, le trouble de restriction ou évitement de l’ingestion des aliments (ARFID, Avoidant and Restrictive Food Intake Disorder) n’est pas lié à une préoccupation excessive par rapport au gain de poids ou à l’image corporelle. Ce trouble apparait souvent dans l’enfance plutôt qu’à l’adolescence comme c’est le cas de l’anorexie nerveuse. En l’absence d’intervention, les enfants souffrant d’ARFID resteront avec une alimentation très limitée à l’âge adulte et seront à risque de complications médicales graves et de déficiences en nutriments. Les causes de ce trouble ne sont pas connues mais les hypersensibilités sensorielles en augmentent le risque. Ce diagnostique est plus fréquent chez les garçons et il est souvent accompagné par un diagnostique d’anxiété et/ou de trouble neurodéveloppemental, dont l’autisme. Les symptômes gastriques tels que le reflux, la constipation, les vomissements ou les douleurs abdominales sont aussi présentes chez 19-44% des personnes souffrant d’ARFID.

Si vous ou une personne chère est aux prises avec un trouble du comportement alimentaire, il est important d’aller chercher de l’aide auprès de professionnels spécialisés (diététiste-nutritionniste, psychologue). Si vous êtes autiste, un professionnel spécialisé en autisme pourra mieux vous soutenir dans vos démarches, en adaptant son approche.

RÉFÉRENCES

Sanchez-Cerezo J, Nagularaj L, Gledhill J, Nicholls D (2022) What do we know about the epidemiology of avoidant/restrictive food intake disorder in children and adolescents? A systematic review of the literature. European Eating Disorders Review : the Journal of the Eating Disorders Association. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/erv.2964

Schroder S, Danner U, Spek A, van Elburg A (2022) Problematic eating behaviours of autistic women – A scoping review. European Eating Disorders Review : the Journal of the Eating Disorders Association. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9544491/

Westwood H, Tchanturia K (2017) Autism Spectrum Disorder in Anorexia Nervosa : An Updated Literature Review. Current Psychiatry Reports. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5443871/pdf/11920_2017_Article_791.pdf

Westwood H, Eisler I, Mandy W, Leppanen J, Treasure J, Tchanturia K (2016) Using the Autism-Spectrum Quotient to Measure Autistic Traits in Anorexia Nervosa : A Systematic Review and Meta-Analysis. Journal of autism and developmental disorders. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4746216/pdf/10803_2015_Article_2641.pdf

La sélectivité alimentaire

par Oana Chitulescu, le 5 avril 2023

« Qu’est-ce qu’on mange? » LA question !

Avez-vous des petits mousses qui vous posent cette question avant même de vous saluer en revenant à la maison le soir? Planifier les repas peut peser lourd lorsqu’on devient parent. Nous faisons de notre mieux pour leur offrir des repas équilibrés, variés et surtout, des repas qu’ils aiment! Pour les parents d’un enfant sélectif à table, la charge mentale associée à l’alimentation des enfants est encore plus importante. Les enfants autistes sont plus susceptibles d’être sélectifs à table dû à leurs hypersensibilités (ou hyposensibilités), leur rigidité ou leur anxiété.

Les hypersensibilités ou quand le cerveau enregistre trop d’informations! Ceci peut toucher n’importe quel sens. Par exemple, le frottement de l’étiquette du vêtement sur la peau d’une personne hypersensible au toucher pourrait la mettre en surcharge sensorielle jusqu’à la rendre non-fonctionnelle. Un enfant hypersensible sera possiblement un adulte hypersensible plus tard. Toutefois, l’adulte hypersensible aura acquis plus de stratégies pour gérer son hypersensibilité.

Les hypersensibilités (ou hyposensibilités) peuvent donc influencer le choix des aliments et la quantité consommée. Une personne hypersensible aux bruits ou aux odeurs pourrait donc moins s’alimenter dans un endroit bruyant où plusieurs odeurs se mélangent, tel qu’une cafétéria ou un restaurant. Parfois, ce sont certaines textures qui causent problème ou encore le mélange de plusieurs textures différentes dans un même plat (une soupe aux légumes ou un chili par exemple).

La rigidité peut également influencer le choix des aliments ou la quantité consommée. Les enfants autistes peuvent démontrer plus de rigidité, souvent dans une tentative de contrôler leur environnement, afin de diminuer l’anxiété associée aux changements. Ils peuvent donc accepter de consommer leur pomme seulement si elle est coupée en quartiers, ou seulement si elle est rouge, ou seulement si elle est servie dans l’assiette bleue!

L’anxiété est souvent présente chez les neurodivergeants, probablement dû aux constantes adaptations qu’ils doivent faire afin de fonctionner dans un monde fait pour les neurotypiques. Ajoutons à cela la néophobie ou la peur d’essayer des nouveaux aliments, qui est tout-à-fait normale chez n’importe quel enfant. Puis, ajoutons encore l’inquiétude des parents par rapport à la croissance de leur enfant, surtout lorsque celui-ci est sélectif à table! Cela peut faire beaucoup de stresseurs autour du repas! Malheureusement, plus le niveau d’anxiété est élevé, moins l’enfant sera ouvert à essayer des nouvelles choses. De plus, l’anxiété nous place en état de vigilance et aiguise nos sens! Ainsi, l’hypersensibilité sera d’autant plus importante lors d’une situation stressante. Finalement, les hormones du stress suppriment l’appétit donc les quantités consommées seront moindres.

Alors, qu’est-ce qu’on fait? Des pistes de solution!

Devenir un mangeur compétent est un apprentissage qui peut prendre jusqu’à 7 ans chez certains enfants. Pour favoriser une relation harmonieuse avec la nourriture, on doit essayer de diminuer la tension entourant les repas. Je peux vous guider en ce sens en vous donnant des stratégies adaptées pour gérer les hypersensibilités lors des repas, en vous aidant à élargir le répertoire des aliments acceptés dans le respect et la bienveillance et en m’assurant que tous les besoins nutritionnels soient comblés pour une croissance optimale. Je peux vous accompagner dans vos démarches pour rendre l’heure du repas agréable pour tous!

Consommation de sucre et TDAH (trouble de déficit d’attention avec hyperactivité), qu’en est-il?

par Oana Chitulescu, le 31 octobre 2022

« Dès qu’il mange du sucre il devient surexcité comme ça se peut pas! »

« Déjà qu’il est tdah, quand il mange du sucre, c’est pire! »

En cette journée particulièrement sucrée, j’aimerais vous parler de ce que la littérature scientifique a à dire sur le sujet! Deux méta-analyses récentes ont conclu à un possible effet du sucre sur l’augmentation des comportements TDAH et du risque de TDAH.

Tout d’abord, qu’est-ce qu’une méta-analyse? Voici la définition de l’INSPQ : « La méta-analyse est une démarche statistique qui permet de synthétiser quantitativement, par le calcul d’un effet combiné (ou poolé), les résultats d’études indépendantes ayant trait à une question de recherche bien précise. […] Si elle est utilisée de manière appropriée, la méta-analyse permet une évaluation plus objective de la littérature comparativement à la revue narrative traditionnelle1. Elle permet de tirer des conclusions significatives à partir de l’ensemble des données publiées, se faisant ainsi un outil puissant pour soutenir la prise de décision, notamment pour la santé publique. » Il s’agit donc d’un résumé fiable des données scientifiques sur un sujet donné.

Voici donc les deux méta-analyses en question :

Bianca Del Ponte et coll. (2019) ont analysé 14 études et ont conclu qu’une alimentation riche en sucres raffinés et en gras saturés pourrait augmenter le risque d’avoir un TDAH tandis qu’une alimentation saine avec une consommation élevée en fruits et légumes aurait un effet protecteur. Toutefois, les auteurs soulignent le faible nombre d’études et mettent en garde que les preuves sont plutôt faibles sur le sujet.

Un an plus tard, Farsad-Naeimi et coll. (2020) ont analysé 7 études et concluent à un effet positif de la consommation totale de sucre et de boissons sucrées sur les symptômes TDAH. Encore une fois, les auteurs mettent en garde sur la qualité des études disponibles sur le sujet et recommandent que les prochaines études prennent mieux en compte les facteurs confondants, qui pourraient donc influencer les résultats et mener à une conclusion éronnée (dans ce cas, que le sucre augmente les comportements reliés au TDAH).

Et si la question était plus complexe?

Li et coll. (2021) ont étudié l’effet de l’alimentation sur l’expression des gènes reliés au TDAH chez des jumeaux suédois âgés entre 36 et 63 ans. Les auteurs concluent que les apports en sucres raffinés et la malbouffe augmenteraient l’expression des gènes reliés au TDAH. Autrement dit, si nos parents nous ont transmis des gènes reliés au TDAH, nos risques de développer le TDAH sera augmenté par une consommation élevée en sucres raffinés et la malbouffe. Cette étude a toutefois plusieurs points faibles : les personnes sélectionnées n’avaient pas nécessairement un diagnostique officiel de TDAH et leur alimentation a été analysée via un seul questionnaire de fréquence portant sur 94 aliments prédéterminés, ce qui ne donne pas un bon aperçu de leur alimentation globale, ni actuelle ni sur une plus longue période de temps.

Plus récemment, Salvat et coll. (2022) concluent que des enfants TDAH semblent consommer plus de sucre et de caféine et moins de protéines. Ils recommandent donc que ces enfants bénéficient d’une intervention nutritionnelle.

Pas si simple finalement, n’est-ce pas?

Nous verrons ce que la recherche nous apprendra dans les prochaines années mais pour le moment, ce que nous devrions retenir est que la consommation de sucre raffiné sur une base fréquente et régulière pourrait avoir un effet sur les symptômes reliés au TDAH mais surtout que la problématique est très probablement beaucoup plus complexe que cela et qu’il faudra regarder la qualité de l’alimentation et les habitudes de vie dans l’ensemble! Alors, amusez-vous bien ce soir et ne laissez pas la peur du sucre hanter votre collecte (et dégustation!) de friandises!

Joyeuse Halloween aux petits et grands!

RÉFÉRENCES

Site web INSPQ https://www.inspq.qc.ca/bise/la-meta-analyse-bien-plus-que-le-simple-calcul-d-un-effet-combine#:~:text=La%20m%C3%A9ta%2Danalyse%20est%20une,question%20de%20recherche%20bien%20pr%C3%A9cise. (consulté le 2022-10-31)

Del-Ponte B, Quinte GC, Cruz S, Grellert M, Santos IS. (2019) Dietary patterns and attention deficit/hyperactivity disorder (ADHD): A systematic review and meta-analysis. Journal of affective disorders. https://doi.org/10.1016/j.jad.2019.04.061

Farsad-Naeimi A, Asjodi F, Omidian M, Askari M, Nouri M, Pizarro AB, Daneshzad E. (2020)  Sugar consumption, sugar sweetened beverages and Attention Deficit Hyperactivity Disorder: A systematic review and meta-analysis. Complementary Therapies in Medicine. https://doi.org/10.1016/j.ctim.2020.102512

Lin Li, Mark J. Taylor, Katarina Bälter, Tian Xie, Berit Skretting Solberg, Jan Haavik, et al. (2021). Gene-Environment Interactions in Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder Symptom Dimensions: The Role of Unhealthy Food Habits. Genes.  https://doi.org/10.3390/genes13010047

Habibeh Salvat, Mehriar Nader Mohammadi, Parviz Molavi, Seyed Ali Mostafavi, Reza Rostami et Mohammad Ali Salehinejad. (2022). Nutrient intake, dietary patterns, and anthropometric variables of children with ADHD in comparison to healthy controls: a case-control study. BMC Pediatrics. https://doi.org/10.1186/s12887-022-03123-6